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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Dire du mal …

Ça fait du bien !

Nous ne sommes que de pauvres vermisseaux, des êtres de peu, de vils bavards toujours à la recherche d'une proie, d'une cible sur laquelle déverser notre venin. Il faut hélas le reconnaître, dire du mal est bien l'activité qui nous réussit le mieux, celle où nous ne sommes jamais en reste de propos piquants, de remarques acerbes et de rumeurs délétères.

Nous avons beau nous le promettre, faire en sorte d'éviter ce terrible travers, bien vite toutefois, nous oublions les bonnes résolutions pour retomber dans la fange de nos coups bas. La médisance est à l'art de la conversation ce que le pain est à la table tricolore : un complément nécessaire, un ingrédient incontournable, une obligation qui ajoute du sel à la vie.

Dire du mal c'est d'abord feindre de tenir des propos flatteurs, faire preuve de compréhension, parfois d'affection, plus rarement d'admiration avant que de glisser lentement, progressivement sur l'autre versant. Les propos mielleux du début laissent place, par petites touches habiles, faites de légers pas de côté, à quelques vacheries bien senties qui sonnent le début de la charge, l'ouverture de la curée.

Dire du mal est le thème le plus consensuel qui soit. Nous avons tous sous la main un sujet d'exception, un bon « camarade », un notable local ou bien une personnalité controversée. Chacun dispose d'un carnet d'adresses bien garni dans ce registre. Je n'ai pas besoin de vous souffler des noms ; vous avez largement de quoi déverser votre bile, je ne suis pas très inquiet.

Il est d'ailleurs assez curieux d'observer l'exécution publique à laquelle vous allez vous livrer avec ceux qui ont la chance d'être présents ce qui leur évite d'avoir, à leur tour, les oreilles qui sifflent. Au début, la victime expiatoire, bouc émissaire du moment, est arrivée sur la pointe des pieds. Elle a été évoquée, comme ça, au détour d'une réplique, d'une allusion quelconque.

Puis, chacun s'est rendu compte que ce bouc devenu émissaire était le point commun des discoureurs, le plus petit dénominateur commun. C'est étrangement l'occasion de voir se multiplier les remarques acerbes, les belles méchancetés qui sont dites avec un ton doucereux, un petit sourire en coin et de si bonnes intentions.

Chacun vient jeter de l'huile sur les braises. Les propos roulent, les coups pleuvent et, pour ne pas être en reste, on en rajoute une couche. C'est un réquisitoire collectif ; la charge est d'autant plus redoutable que nul avocat de la défense ne vient tenter de redorer le blason de l'accusé. La sentence est certaine : il est coupable de n'être pas là.

Aucune circonstance atténuante. Les bourreaux s'en donnent à cœur joie. La langue est bien le plus impitoyable instrument de torture. Rien ne l'arrête jamais. Il y a toujours quelqu'un qui passera à la moulinette des mots qui tuent ou qui se contentent de blesser, de salir, d'humilier, de déshonorer …

Toute la gamme des possibles peut passer dans cette redoutable activité langagière. Et bien hypocrite sera celui ou celle qui prétendra ne jamais avoir participé à ce délicieux moment si peu charitable. Les fins de soirée sont, à ce titre, le moment le plus indiqué pour tomber dans ce redoutable travers.

C'est le plus souvent entre chien et loup, quand le soleil décroît à l'horizon, moment où la sourde angoisse du soir pèse sur les participants, que les langues se font couteau, que se prépare le meurtre rituel : celui d'un absent qui n'a rien demandé à quiconque. Son compte est bon : il ne s'en remettra pas. Il tombera sous le feu roulant des assertions invérifiables, des sous-entendus exécrables, des informations incontrôlables. La pitié n'est pas de mise lors de ces séances redoutables.

Quand les causeurs auront épuisé le sujet , ils s'en prendront à un autre ou bien repasseront à cet art incomparable du coq à l'âne, ce « chapeau de paille, paillasson » qui alimente les conversations inoffensives. Les bourreaux ont besoin d'un peu de répit avant que de rentrer chez eux.

Voilà, vous savez tout. C'est ainsi que j'occupe mes longues soirées comme vous devez le faire tout aussi bien. C'est l'occasion rêvée de vous servir de moi comme cible pour votre prochain hallali. Je n'en serai ni flatté, ni fâché puisque je n'en saurai rien. Mais j'éprouverai une petite satisfaction personnelle, un plaisir certain. Si vous me choisissez pour ce jeu funeste, vous épargnerez, peut-être, la pauvre Christiane Taubira qui, pour une fois, échappera à ce sport devenu national qui consiste à déverser contre elle des tombereaux de saloperies et de méchancetés.

Quand dire du mal revient systématiquement sur la même personne, on peut légitimement s'interroger sur les motivations réelles qui poussent ainsi tant de gens différents à s'acharner sur celle-ci. J'ai bien peur que des raisons inavouables, de très vieux travers n' alimentent cette haine collective qui ne cesse de m'indigner. Parce qu'elle est femme, noire et pas très jeune, parce qu'elle n'est pas un canon de beauté, qu'elle a une certaine ligne de conduite, elle est devenue un sujet d'exécration collective et cela m'est devenu parfaitement insupportable.

Médisancement vôtre.

Dire du mal …
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