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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Les nouvelles exigences !

Se voiler la face …

C'est sans aucun doute la dernière fois que je fais passer le CFG, le Certificat de Formation Générale. Cet examen qui demeure totalement inaperçu, qui ne sert, hélas, à rien et qui se vide, d'année en année, de toute substance, est le lointain ancêtre du Certificat de Fin d'Etudes. Oh, n'y voyez aucune ressemblance mais simplement la concomitance de ce diplôme avec la fin des études obligatoires dans l'année des seize ans. Pour le reste, les directives successives ont fait de ce diplôme, une coquille vide venant récompenser ceux qui n'iront sans doute pas plus loin.

Il y a eu avant le CFG, le DEFEO, après qu'y aura-t-il ? La nature ayant horreur du vide, ne désespérons pas de la capacité du législateur ou d'un quelconque chef de cabinet à inventer un colifichet illusoire pour satisfaire ceux qui sont en rupture de ban. L'essentiel étant de donner une certification propre à satisfaire le seul repère qui vaille de nos jours en matière d'éducation : la statistique.

Le CFG valide théoriquement l'acquisition, au terme de la scolarité obligatoire, d'un niveau scolaire définissant les attentes du palier 2, celui que les élèves ordinaires sont censés atteindre au terme de l'école primaire. L'écart, à seize ans, avec cette attente supposée en fin de CM2, atteste non seulement de difficultés d'apprentissage chez certains mais encore de la faillite d'un système qui ne remplit pas sa mission pour tous.

Ne voulant pas stigmatiser les élèves qui ne parviennent toujours pas à remplir les capacités incontournables du savoir lire, écrire, dire, comprendre, compter, mesurer et opérer, les directives sont formelles : « Ne remplissez les grilles de validation que pour les élèves qui ne satisfont pas à ce niveau ! » L'enseignant choisit donc la solution de facilité et accrédite ce qui n'est pas, pour ne pas se surcharger de tâches rébarbatives tout en évitant de déclencher les foudres de la hiérarchie. L'échec étant inconcevable désormais au pays des bisounours !

Ainsi, les candidats arrivent auréolés d'une compétence supposée en français et en mathématiques. Il leur reste à franchir l'épreuve de l'examen oral pour valider un diplôme qui leur servira de hochet. Pour ce long entretien de vingt minutes face à deux adultes, convoqués pour l'occasion, ils doivent présenter un dossier de stage qui les inscrit dans une démarche de réflexion professionnelle.

Les directives poussent une nouvelle fois au crime. Le dossier ne doit pas dépasser les sept pages. Il contient obligatoirement un sommaire (c'est déjà ça de gagné ), un CV (ça peut toujours servir) et un rapport relatant une expérience de découverte du monde du travail. Le candidat présentera ensuite son projet et déterminera les moyens pour y parvenir ( autant dire qu'il va nous proposer du vent).

Naturellement, aucune remarque réglementaire sur la taille de la police et le nombre d'illustrations. Si bien que deux minutes suffisent le plus souvent à lire ce merveilleux témoignage d'une scolarité chaotique qui prendra fin ainsi. Jadis, les enseignants mettaient du cœur à l'ouvrage pour produire un document qui témoignait des efforts du jeune et de son implication dans cet examen ; désormais c'est si léger que personne n'est dupe, pas même le candidat.

Nous n'en sommes pourtant pas au bout de la parodie. Les années précédentes, lors de l'oral, le jeune se présentait, décrivait son stage, évoquait les organismes qui peuvent contribuer à la réalisation de son projet tout en effectuant quelques exercices susceptibles d'attester d'un niveau élémentaire. Nous leur demandions par exemple de chercher un mot dans un dictionnaire, d'en lire la définition, d'effectuer une recherche sur un plan, un annuaire ou un document quelconque. Tout cela est désormais proscrit !

C'était donc ça les nouvelles exigences dont me fit part le principal-adjoint du collège où je fis passer ce qu'on appelle encore un examen. Je lui fis remarquer que le vocable « exigence » pour le coup n'avait plus grand sens puisqu'il s'accompagnait de la négation même de tout contrôle sérieux des compétences de l'élève. Ne pas vérifier qu'un candidat sait lire relève de l'escroquerie intellectuelle, de la farce et de la plus parfaite foutaise.

Mobiliser une journée entière deux adultes et priver ainsi deux classes d'un enseignant pour tenir une gentille conversation avec un môme dont il s'agit seulement de savoir s'il a une petite idée de ce qu'il espère faire l'an prochain est un détournement d'argent public, un scandale et une marque de total irrespect pour les élèves et leurs familles.

J'ai une tout autre considération de mon travail. Je ne suis pas payé pour servir de caution à un vaste mensonge. Nous certifions des jeunes qui ne répondent pas aux attentes les plus élémentaires. Nous participons à un tour de prestidigitation qui fait de pauvres gamins en échec scolaire, des titulaires d'un diplôme sans aucune valeur.

Ce qui se passe au niveau le plus bas de notre cursus scolaire n'est, hélas, que l'expression sans doute la plus paroxysmique d'un cataclysme général. Nous sommes entraînés dans un vaste mouvement de dénaturation des diplômes au nom d'un refus des principes de réalité et de vérité. À moins que tout cela ne participe à la vaste opération de destruction de l'éducation nationale afin de mettre en place une privatisation généralisée de ce secteur. Reconnaissons également que nous, les enseignants, nous sommes de bien misérables complices, incapables de nous dresser contre ce projet inique.

Nullement leur.

Les nouvelles exigences !
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